CBC contre Parti conservateur : l’utilisation équitable en cause


CBC contre Parti conservateur : l’utilisation équitable en cause

Les situations où des partis politiques se font accusés d’enfreindre le droit d’auteur sont fréquentes. Toutefois, l’univers politico-médiatique canadien vit une situation plutôt rare en la matière depuis le 12 février. La CBC a lancé une poursuite contre le Parti conservateur canadien (PCC) pour enfreinte à leurs droits d’auteur.

Au cœur du litige, l’utilisation non autorisée à des fins partisanes d’extraits d’émission de la CBC par le Parti conservateur. Selon la CBC, l’équivalent de Radio-Canada en anglais, les utilisations sans consentement faites par le PCC portent atteinte à son apparence d’impartialité et à son intégrité journalistique.

C'est la 2e fois que la CBC poursuit le Parti conservateur pour enfreinte aux droits d'auteur. La 1re plainte remonte à octobre 2019.

Les avocats du parti plaident que l’utilisation de courts extraits à des fins de critique, de satire et d’éducation est une utilisation équitable permise par la Loi sur le droit d’auteur.

L’utilisation équitable, une défense risquée

Ce concept de la Loi sur le droit d’auteur permet à quiconque d’utiliser une œuvre pour les raisons suivantes :

  • Recherche et étude privée
  • Compte-rendu
  • Critique
  • Communication de nouvelles 
  • Parodie
  • Satire
  • Éducation

Toutefois, cette exception de la Loi sur le droit d’auteur ne s’applique pas automatiquement et est une question de fait, de degré et d’impression. Chaque utilisation doit être analysée au cas par cas. Si chacun peut faire sa propre analyse des critères de la Cour suprême, seuls les tribunaux peuvent trancher.

Plaider l’utilisation équitable peut représenter une défense hasardeuse pour toute organisation. C’est faire le pari que le titulaire de droits de même qu’un juge arriveront à la même analyse juridique. Pour se prémunir de potentielles poursuites pour enfreinte aux droits d’auteur, il peut être judicieux de consulter des spécialistes du droit d'auteur.

CBC c. PCC : un cas inusité

Les analystes politiques retiendront que c’est la 2e fois qu’un même média canadien poursuit le même parti politique pour infraction aux droits d’auteur. Mais la plainte est aussi inusitée par son contenu.

Plusieurs partis politiques ont reçu des plaintes pour non-respect des droits d’auteur, dans le passé. Aux États-Unis, de nombreux artistes et groupes musicaux ont critiqué le Parti républicain et Donald Trump pour avoir utilisé leurs œuvres sans leur autorisation.

Plus près de nous, en 2013, l’auteur-compositeur-interprète Pierre Lapointe dénonçait l’utilisation non-autorisée de sa chanson Je reviendrai par le Parti libéral du Québec.  

Les droits moraux en cause

Dans tous les cas, le parti avait une licence d’utilisation leur permettant de diffuser de la musique. L’objet de la plainte portait sur les droits moraux, notamment le droit à l’intégrité de l’œuvre de sa créatrice ou de son créateur.

Si aux États-Unis, le droit moral n’existe pas pour la musique, au Canada, cela implique qu’un artiste peut refuser que sa pièce musicale soit associée à une cause politique. Même si l’organisation politique possède une licence d’utilisation.

Bien que le grief de la CBC contienne des éléments portant sur les droits moraux, notamment sur l’atteinte à l’apparence de neutralité, ce dossier contient un élément différent : l’utilisation équitable.

Est-ce que l’utilisation équitable permet à une organisation politique de reprendre du contenu médiatique à des fins partisanes ?

Un dossier intéressant à suivre sur lequel Copibec garde un œil : abonnez-vous à notre infolettre pour la suite.