Prolongation du droit d’auteur et œuvres orphelines – Mémoire de Copibec


Prolongation du droit d’auteur et œuvres orphelines – Mémoire de Copibec

En février dernier, le ministère du Patrimoine canadien annonçait le lancement de consultations afin de modifier la durée d’application de la Loi sur le droit d’auteur. Du même coup, le gouvernement ouvre des consultations techniques sur la gestion des œuvres orphelines. Fidèle à sa mission de protéger et de valoriser les droits d’auteur, Copibec contribue au débat en déposant un mémoire à la Chambre des communes.

Consultez le mémoire de Copibec.

Ces consultations font suite à l’accord commercial intervenu entre le Canada, les États-Unis et le Mexique (AECUM). Dans cette entente commerciale, le Canada s’engage à uniformiser avec les États-Unis certaines législations en matière de propriété intellectuelle, notamment la durée du droit d’auteur. Elle devra être prolongée de 20 ans, de façon à couvrir la vie de l’autrice ou de l’auteur et les 70 années suivant son décès.

Les modalités d’application de cette extension de la Loi sur le droit d’auteur restent à déterminer. Alors que le législateur pourrait simplement étendre la durée du droit d’auteur à toute œuvre n’étant pas déjà dans le domaine public, certains ont proposé de rendre le prolongement conditionnel à l’enregistrement du droit d’auteur à l’Office de la propriété intellectuelle (OPIC).

Enregistrer son droit d’auteur, une mauvaise idée

Lors du dernier processus du réexamen de la Loi sur le droit d’auteur (2017-2019) devant le comité INDU de la Chambre des communes, quelques intervenants ont dit craindre que cette prolongation nuise à l’accessibilité des œuvres, notamment les œuvres orphelines.

Bien qu’un grand nombre d’intervenants aient rappelé que l’extension du droit d’auteur « augmenterait les occasions de monétiser le contenu protégé et par conséquent la valeur du contenu protégé, en plus de favoriser les investissements dans la création, l’acquisition et la commercialisation de contenu protégé actuel et futur », le comité INDU recommande tout de même de conditionner cette extension à un enregistrement de l’œuvre par le titulaire des droits d’auteur (recommandation #6).

Selon Copibec, c’est une très mauvaise idée. Dans son récent mémoire, la société recommande de ne pas rendre l’extension de 20 ans conditionnelle à l’enregistrement de l’œuvre. Non seulement une telle condition contreviendrait aux obligations internationales du Canada, mais elle ajouterait un fardeau administratif inéquitable aux créatrices et aux créateurs.

Contraire aux ententes internationales

Rappelons que le Canada est signataire de la Convention de Berne, une entente internationale régie par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), stipulant que le droit d’auteur doit s’appliquer automatiquement dès la création de l’œuvre et qu’aucune formalité, telle qu’un enregistrement, ne peut être exigée.

Un coût administratif et financier inéquitable

Enregistrer chacune de ses œuvres est une tâche lourde et dispendieuse pour les titulaires de droits d’auteur. Chaque enregistrement du droit d’auteur coûte au minimum 50 $ à la personne requérante. Pour un titulaire de droits en situation de précarité ayant plusieurs œuvres à son porte-folio, c’est un fardeau financier lourd à porter.

De plus, il est improbable que les titulaires de droits étrangers enregistrent leurs droits d’auteur au Canada. Ce phénomène inéquitable créerait 2 catégories d’œuvres et de titulaires de droits, les titulaires de droits étrangers n’ayant pas les mêmes protections que les titulaires de droits canadiens.

Un droit d’auteur plus longtemps inefficace ?

Est-ce que cette extension de la durée du droit d’auteur pourrait vraiment protéger les droits d’auteur plus longtemps si la Loi est criblée d’exceptions ? Cette question est posée par nombres d’intervenants, dont Copibec.

Depuis de nombreuses années, les organisations représentant les créatrices et les créateurs canadiens réclament une révision complète de la Loi sur le droit d’auteur afin de réduire la portée des exceptions. De nombreuses exceptions mal définies ont pour effet de permettre l’utilisation massive d’œuvres protégées par le droit d’auteur sans rémunérer les créatrices et les créateurs.

C’est notamment le cas l’ajout de la notion d’éducation à l’utilisation équitable, qui a ouvert la porte à un désengagement des établissements d’enseignement envers les créatrices et les créateurs d’ici. Alors qu’au Québec, ces exceptions ont exercé une pression à la baisse de 30 % à 50 % sur la redevance payée par les établissements d’enseignement supérieur, la quasi-totalité des universités a cessé de payer des droits d’auteur dans les autres provinces. Ce refus de payer nos créatrices et nos créateurs a provoqué une chute des redevances de 80 %.

Lors du processus de réexamen de la Loi sur le droit d’auteur entamé par la Chambre des communes en 2017, les créatrices et les créateurs, ainsi que Copibec, ont réclamé à l’unisson un renforcement de la Loi.

Ces revendications ont été entendues par les 2 comités permanents ayant rendu rapport. Alors que le comité INDU, dans le même rapport portant sur l’extension du droit d’auteur, a reconnu les problèmes causés par les nombreuses exceptions, le comité du patrimoine canadien (CHPC) proposait dans son rapport Paradigmes changeants une réforme complète du droit d’auteur pour encadrer ces exceptions.

Dans son mémoire, Copibec demande à nouveau au gouvernement d’appliquer les recommandations du rapport Paradigmes changeants afin que les titulaires de droits puissent tirer profit de l’exploitation et de la commercialisation de leurs œuvres, notamment par le biais de la gestion collective.

Sur les œuvres orphelines

À la grande surprise de plusieurs, dont Copibec, le gouvernement a ouvert des consultations techniques sur la gestion des œuvres orphelines et hors commerce. Selon certains, la prolongation de la durée du droit d’auteur pourrait compliquer l’accès aux œuvres orphelines, c’est-à-dire les œuvres dont les titulaires de droits sont introuvables, ainsi qu’aux œuvres non disponibles sur le marché. Dans le cadre de ces consultations techniques, le gouvernement propose en discussion 3 solutions.

Dans son mémoire, Copibec rappelle que ces enjeux n’ont jamais été abordés, tant sur la forme que sur le fond, dans le cadre du réexamen de la Loi de 2017. Il apparaît prématuré de se pencher sur ces propositions avant d’avoir eu des consultations plus larges et constructives avec les différents acteurs du milieu de la culture. D’autant plus que ceux-ci ne bénéficient que de quelques semaines pour soumettre leurs réflexions.

La gestion collective, encore la meilleure solution

Des 3 solutions proposées par le gouvernement, la solution reposant sur l’expertise de la gestion collective nous semble a priori la plus adéquate. Celle-ci évite aux personnes requérantes de subir les longues procédures de la Commission du droit d’auteur, tout en retirant un fardeau individuel aux titulaires de droits.

Quoi qu’il en soit, les créatrices et les créateurs trouveront satisfaction lorsque le gouvernement révisera en profondeur la Loi sur le droit d’auteur afin de mieux protéger les œuvres et assurer une rémunération adéquate aux titulaires de droits.