Le droit d’auteur : de l’imprimerie à la blockchain


Le droit d’auteur : de l’imprimerie à la blockchain

Le droit d’auteur, ce concept flou et complexe, mais ô combien essentiel ! D’où vient-il ? Sur quels fondements repose-t-il ? Rien de mieux qu’un retour en arrière pour comprendre les événements qui l’ont façonné.

1450 : arrivée de l’imprimerie

Avant l’arrivée de l’imprimerie, la plupart des œuvres littéraires comme musicales sont transmises oralement ou manuscrites à la main, faute d’avoir les moyens de produire et de reproduire en plusieurs exemplaires. À l’époque, le droit d’auteur est quasi inexistant… Jusqu’à l’an 1710.

1710 : le Statut d’Anne

Le Statut d’Anne, ou le tout premier Copyright Act de la tradition anglo-saxonne donne à l’éditeur pour la toute première fois un droit d’usage exclusif sur son œuvre. Avant l’adoption de ce statut, l’éditeur voyait ses concurrents imprimer librement ses œuvres sans contrainte.

Le droit d’auteur a alors une durée maximale de 14 ans avec une seule possibilité de renouveler, à la suite desquels les droits reviennent à l’auteur de l’œuvre. L’auteur peut à son tour bénéficier d’un droit pour les 14 années suivantes avant que son œuvre n’entre dans le domaine public. Il fallait bien commencer quelque part !

Le Statut d’Anne entre en vigueur le 10 avril 1710.

Le droit d’auteur à la française

Il fallait s’y attendre : les fondements du droit d’auteur sont différents en France. Ils sont principalement motivés par un désir d’égalité et de liberté pour tous.

Au XVIIIe siècle, les libraires-imprimeurs détiennent un monopole sur la diffusion des œuvres et accaparent tous les revenus. Pour publier, les auteurs doivent se plier à leurs exigences.

Autre solution pour les auteurs sans le sou : le mécénat. Ce système les rend toutefois dépendants de leurs mécènes et rend leurs œuvres vulnérables à la censure. Pour nombre d’entre eux, c’est inacceptable. D’autant plus que la société est en pleine ébullition et à l’aube d’une révolution.

En 1777, un groupe d’auteurs et de dramaturges fonde la première société d’auteurs, la SACD. L’objectif ? Instaurer un droit moral pour non seulement protéger l’intégrité de l’œuvre, mais celui de son auteur.

Le droit d’auteur devient plus qu’un enjeu économique, il devient un fondement de la liberté d’expression.

La Révolution française fait aboutir cette lutte. En 1793, en vertu de la Déclaration des droits de l’Homme, les révolutionnaires octroient aux auteurs des droits moraux et le droit exclusif de reproduction sur leurs œuvres durant toute leur vie, ainsi qu’à leurs héritiers jusqu’à 5 ans après leur mort.

1838 : la Société des gens de lettres

Des auteurs, dont Honoré de Balzac, Victor Hugo et Alexandre Dumas, pour ne nommer que ceux-là, unissent leurs forces pour défendre les droits moraux ainsi que les intérêts patrimoniaux et juridiques des créateurs littéraires. Ensemble, ils fondent la Société des gens de lettres.

Hugo ne s’arrêtera pas en si bon chemin. Après avoir fondé l’Association littéraire et artistique internationale (ALAI) en 1878, il militera en faveur d’une coopération entre les États membres et l’adoption d’une convention internationale dédiée à la protection de la propriété intellectuelle.

1886 : la Convention de Berne

À ses débuts, la Convention de Berne comptait un total de 8 états signataires. Cet accord international vient établir des principes fondamentaux assurant une égalité de droits entre les créateurs des pays signataires.

Ces principes, bien que la Convention ait été l’objet de plusieurs révisions au fil des ans, sont toujours appliqués à ce jour.

En 1970, la Convention de Berne tombe sous la supervision de l’Organisation mondiale de propriété intellectuelle (OMPI), de sorte qu’elle devient un traité régi par l’ONU. Elle compte aujourd’hui 175 États membres.

1948 : Déclaration universelle des droits de l’homme

Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, les 58 États membres de l’Assemblée générale de l’Organisation mondiale des Nations Unies (ONU) se réunissent et adoptent la Déclaration universelle des droits l’homme (DUDH), à laquelle est greffée le droit d’auteur, 3 ans après son instauration.

Depuis ce jour, le droit d’auteur est reconnu comme un droit fondamental et inaliénable. Il sera également ajouté au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) en décembre 1966.

De 1966 à aujourd’hui

Le droit d’auteur évolue et poursuivra sa transformation à mesure que de nouvelles technologies et formes d’art feront leur apparition. Pensons à la photographie, à la radio, au cinéma et à la télévision qui devaient bénéficier de protection particulière suite à leur invention.

Pensons à l’internet et, plus récemment, à la blockchain qui révolutionnent l’exploitation des œuvres à un rythme effréné.

Si au XVIIe siècle, les imprimeurs faisaient la pluie et le beau temps sur le milieu des arts, les géants du web règnent aujourd’hui en rois et maîtres.

L’histoire du droit d’auteur, de tout temps, cherche à suivre la cadence imposée par l’inventivité des êtres humains et sa capacité à générer des monopoles, souvent tant bien que mal.

Au Canada, la Loi sur le droit d’auteur a fait l’objet de plusieurs révisions pour répondre à ces exigences, notamment en 2012. Dès son adoption, celle-ci était déjà désuète face à l’arrivée en force des médias sociaux !

Est-ce que la prochaine réforme de Loi sur le droit d’auteur réussira à briser les nouveaux monopoles et prévenir les futurs ?