Access Copyright c. Université York – Que retenir ?


Access Copyright c. Université York – Que retenir ?

Après une décennie de combats juridiques et politiques afin de conserver une juste rémunération pour l’utilisation de leurs œuvres dans les établissements d’enseignement, les créatrices et les créateurs ainsi que les maisons d’édition attendaient avec impatience que la Cour suprême du Canada tranche.

Est-ce que l’exception d’utilisation équitable dans la Loi sur le droit d’auteur permettrait à l’Université York et aux autres établissements d’enseignement de photocopier, numériser et projeter des milliers d’œuvres pour les étudiantes et les étudiants sans verser de redevances aux titulaires de droits d’auteur?

Dans sa décision du 30 juillet 2021, la Cour suprême a refusé de répondre par l’affirmative tel que le lui demandait l’Université York. Une excellente nouvelle pour les titulaires de droits, mais l’épée de Damoclès demeure puisque les juges se sont abstenus de se prononcer sur le fond du litige et sur les arguments plaidés par Copibec qui avait été autorisée à intervenir.

Refus de cautionner l’Université York

Les jugements de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale étaient sans équivoque : les politiques de droit d’auteur de l’Université York, répliquées par la quasi-totalité des établissements d’enseignement canadiens hors Québec, ne relèvent pas de l’utilisation équitable.

L’ampleur de l’utilisation faite par les établissements d’enseignement et les conséquences sur les titulaires de droits contreviennent aux critères d’application de l’utilisation équitable établis par la Cour suprême (CCH c. Barreau du Canada). Difficile d’arguer que la reproduction par millions de copies relève de l’utilisation équitable alors que les autrices, les auteurs et les maisons d’édition ont été privé de 150 millions de dollars en redevances depuis la révision de la Loi sur le droit d’auteuren 2012.

Qu’à cela ne tienne, l’Université York a fait appel de ses décisions et a demandé à la Cour suprême de déclarer que ses politiques de droits d’auteur relèvent de l’utilisation équitable.

Le plus haut tribunal du pays a refusé d’acquiescer à sa demande en jugement déclaratoire.

Pourquoi? Contrairement à Copibec, Access Copyright n’est pas licenciée exclusif des droits d’auteur concernés. Elle n’est pas non plus titulaire des droits d’auteur. Pour cette raison, elle ne peut elle-même réclamer des dommages pour violation du droit d’auteur au nom des autrices, des auteurs et des maisons d’édition. Sans réel litige entre les parties et sans participation directe des titulaires de droits aux procédures, la Cour suprême considère ne pas pouvoir se prononcer.

Malgré tout, la Cour s’est permis d’analyser la décision des juges de la Cour d’appel fédérale. Si elle leur reproche d’avoir analyser la situation au niveau institutionnel, sans prendre suffisamment en compte l’échelle de la personne utilisatrice, soit l’étudiante ou l’étudiant, la Cour suprême rappelle que l’impact de l’utilisation institutionnelle demeure important. Argument que l’Université York et plusieurs autres institutions d’enseignement ont toujours rejeté.

L’impact pour le droit d’auteur au Québec et au Canada

Puisque le plus haut tribunal du pays a rejeté la demande de l’Université York, les établissements d’enseignement s’exposent à de nouvelles poursuites en violation des droits d’auteur, notamment à des actions collectives, si elles choisissaient de prétendre à une soi-disant utilisation équitable plutôt que de rémunérer les titulaires de droits via les sociétés de gestion collective.

Rappelons qu’au Québec, la Cour d’appel a autorisé Copibec à exercer une action collective contre l’Université Laval. Celle-ci s’est conclue par une entente à l’amiable par laquelle l’université a adhéré à une licence de Copibec et indemnisé les autrices, les auteurs et les maisons d’édition lésés.

Mais est-ce qu’une potentielle accumulation de litiges juridiques sur le droit d’auteur est souhaitable pour les titulaires de droits et les contribuables qui financent les établissements d’enseignement?

À Ottawa de réviser la Loi sur le droit d’auteur

Permettre d’appliquer l’utilisation équitable « à des fins d’enseignement » sans l’encadrer était une erreur historique du gouvernement Harper qui doit être corrigée. D’autant plus que cette révision a placé le Canada en violation de ses obligations internationales en regard de la protection du droit d’auteur.

Alors que nous sommes en élections, les partis présents à la Chambre des communes doivent réitérer leurs promesses faites en 2019 de réviser la Loi sur le droit d’auteur, et passer à l’action!

Les solutions sont simples :

-        Préciser que les établissements d’enseignement ne peuvent invoquer une utilisation équitable dès lors que l’œuvre est accessible sur le marché et qu’on peut obtenir une licence par l’entremise d’une société de gestion (comme la loi de Grande Bretagne le précise maintenant)

-        Ajouter que les sociétés de gestion sont réputées être licencié exclusif, sans avoir à mettre en cause le titulaire, aux fins de tous recours pour violation des droits d’auteur intentés devant les tribunaux

Les autrices, les auteurs et les maisons d’édition dans le reste du Canada ne peuvent se permettre un autre 10 ans à ne pas recevoir les redevances qui leurs sont dues. Au Québec, leur société de gestion demeura active avant, pendant et après les élections afin de convaincre les partis de passer à l’action pour protéger leur juste rémunération.