Comme nous vous l’expliquons précédemment dans Mème 101, le mème est une forme de communication aisément reproductible émergeant de la culture web.
Le mème : œuvre d’art ?
Chaque déclinaison d’un mème demande un minimum d’imagination. Aussi, certains créateurs de mèmes font valoir que leur création est une œuvre à part entière.
Cette position paraît facile à défendre : des expositions artistiques complètes sont d’ailleurs dédiées aux mèmes.
Or, la communauté juridique n’a pas encore tranché en ce qui concerne la protection des mèmes par la Loi sur le droit d’auteur.
Original le mème ?
Ce qui écorche les yeux des juristes, c’est le concept du mème qui se base sur une image ou une vidéo existante qui sera potentiellement remixée des milliers de fois.
En créant un mème, l’œuvre originale ne change pas vraiment, tout comme l’idée derrière. La créatrice ou le créateur du mème va s’approprier et adapter une idée qui n’est pas la sienne.
Or, au sens de la Loi, pour être considérée comme une œuvre, une création doit être originale. Elle doit faire état du talent et du jugement de son autrice ou de son auteur.
Une simple modification apportée à une image peut-elle accorder le statut d'originalité à œuvre dérivée ?
Droits d’auteur sur l’œuvre source
Une image, une vidéo ou même une phrase sur laquelle se baserait le mème est bien une œuvre originale, reflétant le talent et le jugement de son autrice ou de son auteur.
Reprenons l’exemple de la photo de Bernie Sanders portant des moufles : le photographe détenait bien les droits d’auteur sur l’image originale. Il a cédé son droit d’exploitation à Getty Images qui a signé des licences avec une panoplie d’utilisatrices et d’utilisateurs pour réutiliser l’image en question.
Cependant, il est impossible pour une entreprise, même aussi grande que Getty Images, d’assurer que l’ensemble des utilisatrices et des utilisateurs du web respectent ces licences, ainsi que le droit d’auteur de la photo de Bernie Sanders.
Protéger son œuvre à l’ère des mèmes
N’est-ce pas problématique qu’une image puisse être reprise sur le web et ne pas faire l’objet de contrats de licence auprès de milliards d’internautes ?
La Loi sur le droit d’auteur tente d’arriver à une sorte de compromis entre les droits des créatrices et des créateurs et la liberté d’expression des utilisatrices et des utilisateurs d’Internet.
Dans la Loi, ce compromis prend la forme d’une exception nommée « utilisation équitable ».
*Attention ! L'utilisation équitable est une notion complexe, non quantifiable, qui demande un processus d'analyse au cas par cas en fonction des circonstances. Elle ne peut donc se traduire en une politique uniforme.
Concrètement, les autrices et les auteurs voient donc leurs droits sur leurs œuvres limités par l’utilisation équitable.
À la lumière de cet enjeu, l’ayant droit de l’œuvre originale se retrouve à devoir séparer le bon grain de l’ivraie : identifier qui utilise l’image à des fins qui ne lui conviennent pas et décider d’intenter des recours juridiques ou non.