Au cœur des opérations de Copibec se trouve la défense des droits d’auteur, tout spécialement pour le milieu du livre québécois.
Les personnes les plus concernées sont bien sûr les autrices et les auteurs eux-mêmes.
Mais voilà : qu’est-ce qu’une autrice ou un auteur au juste ?
Définition de l’autrice ou auteur
Pour nous, il s’agit le plus souvent d'une personne ayant publié un livre chez une maison d’édition et ayant droit à des redevances de droit d’auteur.
Cette piste qui part de notre réalité organisationnelle peut éclairer la question, mais nous paraît incomplète.
Que faire des personnes qui rédigent des histoires pour leur plaisir personnel ? De celles qui écrivent des documents pour leur employeur ? Qu’en est-il de la personne écrivant ces lignes, est-elle une autrice ?
Le dictionnaire Larousse décrit l’auteur comme « la personne à l’origine de quelque chose de nouveau, qui en est le créateur ».
Cette deuxième définition paraît plus englobante, et ne répond pas pour autant à d'autres questions. Par exemple, est-ce que tous les écrits font de nous des autrices ou des auteurs ? Une liste d’épicerie ou les notes dans la marge d’un texte ? Une œuvre écrite doit-elle atteindre un certain niveau de qualité pour qu’elle fasse de nous une personne autrice ?
Un auteur se doit-il d'être excellent ?
Pour répondre à cette question, tournons-nous vers le droit d’auteur français. La Cour de cassation a statué que la protection d’une œuvre était indifférente de son mérite.
On peut déduire que l’autrice ou l’auteur de l’œuvre ne perd donc pas son statut du fait que son œuvre soit jugée moins belle ou moins intéressante qu’une autre.
Cette règle est apparue au tournant du XXe siècle, quand des artistes modernistes commençaient à remettre en question les normes établies des « beaux-arts ».
L’auteur dans l’histoire
Le concept d’auteur a évolé au fil du temps. Après les réputés philosophes antiques, les autrices et les auteurs tombent dans un anonymat presque complet tout au long du Moyen-Âge. Par exemple, les moines qui rédigeaient des textes scientifiques voyaient rarement leur nom associé à leurs écrits.
L’idée qu’on se fait de la personne autrice aujourd’hui est surtout apparue au siècle des Lumières, lorsque les grands concepts de droits individuels sont apparus.
Les débats philosophiques de l’époque s’attardaient à l’importance de la subjectivité dans le travail des penseurs et des créateurs. Aussi, on s’intéressait grandement à la personnalité de la personne créatrice.
Encore maintenant, on accorde une place très importante à la personne ayant créé une œuvre romanesque, théâtrale, musicale ou cinématographique. Notre conception de l’art est intimement liée à la force créatrice ayant donné naissance à l’œuvre.
L’auteur au sens de la Loi sur le droit d’auteur
Aux États-Unis, on trouve une définition proche de celle du Larousse, à savoir que l’autrice ou l’auteur est la personne qui est à l’origine d’une œuvre originale ou d’une création.
De son côté, la Loi sur le droit d’auteur au Canada parle beaucoup des auteurs… sans jamais proposer de définition de ce qu’est un auteur !
Malgré cette omission, la Loi nous donne quelques indices sur ce qu’il n’est pas.
Ceci n’est pas un auteur
Pour obtenir la protection par droit d’auteur, l’article 5 de la Loi précise qu’il faut être « citoyen » ou « résident » d’un pays ayant signé la Convention de Berne. La très vaste majorité des pays n’accordent la citoyenneté qu’aux personnes physiques ; on peut donc déduire qu’une entreprise ne pourrait pas être une autrice par exemple.
Dans le même ordre d’idées, l’article 6 de la Loi précise que le droit d’auteur subsiste pendant la vie de l’auteur, et jusqu’à la fin de la cinquantième année suivant son décès. On peut une fois de plus déduire que les personnes non-humaines (les personnes morales comme les organisations par exemple) ne peuvent pas bénéficier de la protection de leurs œuvres par droit d’auteur.
Finalement, il est important de rappeler le concept de droit moral. En effet, la Loi prévoit une protection à l’autrice ou l’auteur quant au contenu et au contexte de l’œuvre, un droit à l’intégrité de celle-ci entre autres.
De plus, on lui accorde un droit « de paternité » ; concrètement, que le nom de la personne autrice soit directement associé à l’œuvre.
Physicalité
Toutes les protections accordées par le droit moral renforcent notre idée voulant que l’auteur soit une personne physique.
Cette optique est même confirmée par la règle de la titularité du droit d’auteur à l’employeur. En effet, lorsqu’un membre du personnel crée dans le cadre de ses fonctions, ses droits patrimoniaux sont dévolus automatiquement à l’employeur. Cependant, les droits moraux demeurent siens ! La personne morale n’est donc jamais pleinement autrice.
Une autre instance serait l’intelligence artificielle qui, à ce jour, ne pourrait être considérée comme autrice pour diverses raisons.
- • Lire aussi : Qu’est-ce que l’intelligence artificielle (IA) ?
Un animal peut-il être auteur ?
Une affaire désormais célèbre a fait beaucoup jaser au tournant de la décennie. En 2008, le photographe animalier David Slater photographie des macaques noirs sur l’île de Sulawesi en Indonésie.
Après 3 jours à tenter de se rapprocher des singes, Slater a une idée. Puisqu’ils sont intéressés par leur réflexion dans la lentille de la caméra, Slater place un appareil photo sur un trépied et laisse les animaux s’amuser avec. Ces derniers en profitent pour prendre des égoportraits sans le savoir.
De retour de voyage, Slater demande d'enregistrer son droit d’auteur sur les images. Mais l’organisme PETA (People for the Ethical Treatment of Animals) affirme que le droit d’auteur revient aux macaques qui ont pris les clichés.
La Cour a tranché et statué que la Loi n’a jamais été rédigée avec l’intention d’accorder des droits aux animaux.
En conclusion
Définir ce qu’est une personne autrice n’est pas si facile. En revanche, il est aisé de préciser ce qui ne n'est pas une autrice ou un auteur au sens de la Loi. Les entreprises, les intelligences artificielles ou les animaux ne peuvent être vues comme des auteurs.
En revanche, la notion d’auteur est évolutive et n’est pas liée à un mérite quelconque.