Mélissa — Écrivaine aux 12 chapeaux


Mélissa — Écrivaine aux 12 chapeaux

Nouvellement élue présidente du conseil d’administration de Copibec, Mélissa Verreault nous parle de ce qui fait vibrer son âme d’écrivaine bien impliquée dans sa communauté [propos recueillis lors d’une entrevue]. 

 

Trajectoire

Je suis à la fois écrivaine (romancière), traductrice, éditrice, enseignante de création littéraire et travailleuse culturelle.

Je m’implique depuis de nombreuses années à l’Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ), l’association professionnelle qui regroupe 1 600 écrivaines et écrivains au Québec et qui a cofondé Copibec, avec l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL), il y a 25 ans.

J’ai fait ma maîtrise en création littéraire à l’UQAM, graduée en 2010. Ça fait donc 12 ans que je gère ma carrière en littérature.

 

Influence exogène

Après un long séjour à Montréal, je suis de retour à Lévis, pour la famille surtout.

J’aime ça m’impliquer dans la communauté littéraire depuis l'extérieur du centre. Ça donne une autre perspective sur les enjeux. Y'a des gens qui écrivent sur l'ensemble du territoire québécois !

On peut avoir une carrière et une certaine influence sur un milieu qui a son centre d'activité principale dans la métropole, sans y être physiquement.

 

Diversité et inclusivité

Avec la pandémie, on a accéléré l'inclusion des personnes : on peut s’impliquer, participer aux réunions, faire partie des comités. La distance n’a plus le même impact qu’avant.

C’est emballant ! Avant, c'était difficile d'impliquer les régions. Maintenant, on ne se pose plus la question. Ce qui apporte une richesse à l’ensemble des personnes concernées.

La réalité n'est pas la même partout.

 

Qu'est-ce qu'être écrivain aujourd'hui au Québec ?

Être écrivaine ou écrivain, c'est d’abord écrire. L’écriture fait partie de ton quotidien et fait partie de qui tu es. C'est un impératif personnel, avec une démarche qui s'inscrit dans le long terme.

Pour moi, c’est avoir des idées constamment, être curieuse, rester informée, analyser l’écosystème dans lequel j’évolue. C’est comme être sociologue, philosophe, psychologue et historienne en même temps. J’essaye de comprendre le monde et d'en rendre compte avec ma voix et avec mon regard unique.

Je fais ça avec l’idée d’aider les autres à comprendre le monde elles et eux aussi. Nous faisons partie d'une communauté. L’écrivaine ou l’écrivain aide les autres à poser un autre regard sur la vie, à voir différemment.

 

Mot clé : authentique

Peu importe le chapeau que je porte, écrivaine, enseignante, présidente de Copibec, etc., je suis la même personne.

Je porte les mêmes valeurs. Ça ne fait pas de différence à quelle audience je m'adresse.

Je crois au plaisir de travailler avec les autres ; ça augmente la qualité de l'expérience, le plaisir. J’avance de façon intuitive et avec expérience. Je me fis sur des qualités que je me reconnais : je suis capable d'établir le contact avec n'importe qui, des décrocheur.se.s, des fonctionnaires, comme des docteurs.

Je cherche à comprendre ces gens-là, je me reconnais en eux. C'est pour ça que j'écris : j'aime connecter et comprendre l'humain — même s’il s’agit parfois de personnes fictives (!) dans un fil narratif.

 

Et le politique ?

Le travail politique, s’impliquer dans des associations, c'est une extension de ce que je fais avec l'écriture : je véhicule des messages, j’appuie des causes.

C’est vraiment la même chose, simplement un autre mode de communication et d’intervention — par la parole et la présence, plutôt que par l'écrit — pour faire valoir ce en quoi je crois.

Ça me porte et je me sens à l’aise, parce que je sais que je peux être moi-même — tout en m'adaptant un peu tout de même, si je m’adresse au ministre Pablo Rodriguez. ;)

 

Une affaire de congruence

Ce qui m'inspire, c'est rencontrer d’autres personnes authentiques, qui démontrent une cohérence envers elles-mêmes.

C'est reposant d'être soi-même : « What you see is what you get ». On n'a pas à montrer un personnage, tout en s'adaptant oui au besoin.

Il faut croire en soi pour faire ça.

Parfois, c'est ce qui nous manque dans tous les domaines, des personnes inspirantes, des leaders positifs qui se font respecter et font respecter les droits des personnes. Surtout dans le politique, au travers des jeux de pouvoir et de ce qui filtre jusqu'à nous ; ça génère du cynisme bien sûr.

Copibec, c'est ma contribution à la politique québécoise

Tout le monde devrait se sentir concerné par le politique. J'en fait activement sans être dans un parti pour autant. Ma façon à moi de faire de la politique, c’est de m’impliquer pour défendre des dossiers qui me tiennent à cœur. J’ai des opinions sur les dossiers en question.

 

Pour une rémunération plus juste

Ce que je cherche, c’est faire comprendre aux lectrices, lecteurs, utilisatrices, utilisateurs, étudiantes, étudiants — à toutes celles et à tous ceux qui consomment de la littérature et des textes sous une forme ou une autre — qu’écrire est un travail qui mérite d'être rémunéré.

Le temps et les études que ça prend pour arriver à écrire ... Si je peux faire comprendre ça à une masse critique ! Notre société sous-estime le travail des artistes, des écrivaines et des écrivains.

 

Choix de société

En tant que collectivité, on valorise certaines choses au détriment d’autres.

Je dis souvent que les joueurs de hockey ont du fun et sont tout de même payés pour leurs efforts !

Les personnes qui écrivent devraient avoir une vie décente. On a créé des programmes universitaires pour former ces gens-là, pour faire ce métier-là. Et après l’école, quels sont les débouchés ?

 

Pensée critique

J’aimerais faire reconnaitre le métier d’écrivain à part entière en fonction des efforts, de la valeur de divertissement, et aussi comment ça contribue à la pensée critique.

Ce qui rend la tâche ardue, c’est que la pensée critique n'est pas valorisée.

Les médias sociaux forment une chambre d'écho qui nous conforte dans nos opinions. À la longue, nous ne sommes plus capables de nuances ou de débat sain.

 

Danger !

La pensée critique, c'est dangereux (!) car oui ça peut faire changer les choses. On ne veut pas trop de gens qui réfléchissent... ça fait peur, le changement ; ça nous fait nous questionner sur nos façons habituelles de faire les choses, c'est confrontant.

Et pourtant, rien de plus satisfaisant que de prendre sur soi, de changer les conditions de sa propre vie. Et oui, ça demande du courage, il risque d’y avoir des bouttes rough. On doit parfois foncer pour atteindre ses objectifs.

Les changements climatiques, par exemple, sont un symbole qui représente bien le type d'enjeu. On sait qu’on doit passer à l'action, mais l'humain est dans un grand déni. C’est le règne de l’individualisme.

C’est vrai effectivement que les individus seuls ne peuvent pas faire de grands changements. Si une seule personne fait du compost dans sa ville, ça aura bien peu d’impact.

 

Pouvoir (et précarité) de la communauté

Le milieu de la littérature est plein d'écrivaines et d’écrivains mécontents de leurs conditions, qui se plaignent, mais qui ne s’impliquent pas. Ils ne veulent pas avoir l'air chialeux. Je pense qu’ils devraient prendre position, bâtir leur confiance en eux, s'affirmer. Ils sont en droit de revendiquer de meilleures conditions.

Comme dans d’autres domaines culturels, j’observe un double comportement : la personne est heureuse qu'on ait pensé à elle lorsqu’elle reçoit une invitation par exemple, et malheureuse parce que sa participation est sollicitée mais sans cachet...

Aussi, elle n’ose pas faire valoir ses besoins, même légitimes, par peur de déplaire et de manquer de futures occasions.

 

Apprendre à demander

Il faut commencer à faire des demandes, se creuser la tête et trouver les arguments, pour ouvrir des possibilités.

On a tout à gagner à demander.

L’insécurité nous garde dans des conditions non satisfaisantes, et ça appauvrit les conditions de l’ensemble de la communauté ! Quand tout le monde accepte pratiquement n'importe quoi, c’est difficile de s'affirmer dans les demandes en lien avec des besoins pourtant bien réels.

 

Par où commencer ?

Nous sommes dans une époque où il faut favoriser l'économie circulaire.

Je pense à la micro-gestion dans un sens positif : gérer chaque projet comme on gère une petite parcelle de terre, en portant nos valeurs et une vision. On avance en cherchant des solutions à long terme.

Ce qu’on veut, c’est créer un milieu littéraire sain qui permet aux autrices, aux auteurs et aux maisons d’édition de bien vivre. Pour y arriver, on doit travailler ensemble et de façon concertée.

 

Permission de rêver

Notre mission a de l’impact. Copibec, c’est un organisme d’économie sociale ; on redonne ce qui est dû aux travailleuses et travailleurs du milieu du livre.

En redistribuant les droits de reproduction, on réinjecte directement dans la création de nouveaux livres. Et tout le monde y gagne.

C'est l'avenir en littérature et ailleurs, ce rôle de consolidation d'un milieu fort, où les gens se parlent et collaborent ensemble sur des projets, plutôt que chacun de son côté.

On peut se permettre de rêver grand avec la force du nombre et en étant solidaire.

— Mélissa