Awww les réseaux sociaux ; peut-on imaginer le 21e siècle sans eux ?
Espaces virtuels pour partager des photos de famille, échanger avec des camarades de classe ou collaborer en ligne sur des projets professionnels.
Empires médiatiques qui monétisent notre attention collective et individuelle en se basant sur les interactions en temps réel de milliards d’utilisatrices et d’utilisateurs.
Qu'est-ce que dit la Loi sur le droit d’auteur concernant les partages de contenu sur des plateformes telles que Facebook et Instagram ?
L’appât
Pour les créatrices et créateurs professionnels, comme pour les entreprises qui les engagent, les médias sociaux facilitent la distribution, la diffusion et la promotion de leur contenu en ligne.
Par exemple, une publication accrocheuse peut se faire remarquer en quelques moments par un très grand nombre de personnes intéressées par vos produits et services.
En même temps, il est plus aisé que jamais d’enfreindre leurs droits de propriété intellectuelle.
Nouveau contrat social
Les plateformes de médias sociaux exigent des licences extrêmement larges, et difficilement révocables.
Par exemple, même après que les créatrices ou créateurs ont supprimé des contenus, ceux-ci demeurent disponibles lorsque les tiers les partagent.
Le truc c’est que pour être en mesure d’utiliser ces plateformes de diffusion, vous signez une longue liste de conditions.
À qui appartient mon contenu ?
En parcourant les pages d’aide sur les conditions d’utilisation, vous pourrez lire que vous demeurez bel et bien propriétaire du contenu que vous avez créé.
Le hic, c’est que dès que vous le partagez, vous donnez l’autorisation à d’autres d’utiliser votre contenu.
En fait, en partageant du contenu sur ce genre de plateforme, vous acceptez d'abord 2 types de licence :
- Licence fonctionnelle
- Licence de redistribution
1 — Licence fonctionnelle
Les plateformes créent des copies de vos documents partagés pour des raisons pratiques, afin d’assurer leur bon fonctionnement sur le plan technique.
C’est un incontournable pour que ça fonctionne.
Par exemple, Twitter pourrait reproduire votre gazouillis au cas où son réseau serait défaillant pendant quelques heures.
2 — Licence de redistribution
L’enjeu vient de la licence de redistribution (ou réutilisation) du contenu par les tiers.
Lorsque vous utilisez une telle plateforme, la licence ainsi concédée permet (à Facebook notamment) d’autoriser des tiers à utiliser les documents, sans que l’autrice ou l'auteur sache à quelles fins et ce qu’il adviendra de l’œuvre.
Il peut alors devenir difficile de mesurer les conséquences économiques et juridiques de ce choix.
Comme il est impossible de contrôler l’utilisation du contenu par des tiers, ces utilisations pourraient contrevenir au droit moral des autrices et des auteurs, par exemple.
Boîte à surprises
En Colombie-Britannique, une femme a publié des photos de sa fille trisomique. Ensuite, les photos ont été vendues à une compagnie pharmaceutique qui pensait que la transaction était faite avec le consentement de la mère.
Une des photos a même été utilisée pour une publicité de tests de dépistage génétique, une utilisation qui allait, pour d’évidentes raisons morales, à l’encontre des intérêts de la photographe originale.
Personne n’avait pensé à ce cas de figure. Personne n’avait non plus la possibilité de contrer cela. Cette histoire démontre qu’on ne peut envisager les usages faits par des tiers avec votre contenu.
Utilisation à risque
Les œuvres pourraient être utilisées à des fins commerciales par des tiers.
Aussi, même une utilisation à des fins non commerciales par d’autres personnes peut avoir des conséquences économiques importantes pour les titulaires de droits.
Exemple : la licence de Facebook est tellement large, qu’il est difficile de prévoir les impacts potentiels. Les autrices, auteurs et éditeurs d’œuvres peuvent partager sur Facebook par choix, comme outil promotionnel, mais il est important d’être conscient des risques éventuels.
Quels risques au juste ?
En gros, c’est compliqué : les risques sont difficiles à évaluer, peuvent ne jamais se réaliser ou au contraire, virer au pire cauchemar.
Le cauchemar, ce serait une utilisation commerciale d’un ouvrage, un livre par exemple, dans un contexte qui change la nature de l'œuvre.
3 types de risques
- A — Droits moraux
- B — Capacité limitée de rentabilisation
- C — Difficulté de suivre ou contrer la diffusion
A — Droits moraux
Le risque pourrait être que cette utilisation potentielle par un tiers vienne à limiter l’usage des autrices et des auteurs eux-mêmes !
L’œuvre pourrait être utilisée à des fins qui ne conviennent pas à leurs droits moraux, que ce soit en lien à l’attribution de l’œuvre à la bonne personne, ou l’association avec quelque chose avec lequel elle n’est pas d'accord.
B — Capacité limitée de rentabilisation
Pour les éditeurs, puisqu'il y a un potentiel de diffusion extrêmement large des contenus, l’impact toucherait leur capacité à rentabiliser les créations.
Exemples :
- • Exploitation commerciale directe de l’œuvre elle-même (vente de reproduction, vente de produits dérivés).
- • Exploitation commerciale indirecte de l’œuvre (site rémunéré par la publicité ou vendant autre chose, mais la présence de l’œuvre permet d’attirer le public).
- • Exploitation non commerciale de l’œuvre (site de partage, site de fan ; l’œuvre devient largement disponible gratuitement).
C — Difficulté de suivre ou contrer la diffusion
La dissémination de l’œuvre peut être exponentielle si elle est reprise par des tiers sur le réseau social ou sur d’autres sites externes, ce qui d’ailleurs complique l’identification.
Certains sites peuvent disparaître et renaître sous d’autres noms. C’est d’autant plus difficile lorsque de telles utilisations ont lieu dans un pays où la situation juridique est différente et plus complexe.
Il existe un processus d'avis et de retrait des œuvres copiées au Canada et aux États-Unis. Mais les recours pour mettre fin à une exploitation commerciale de l’œuvre ne sont pas toujours efficaces et peuvent s’avérer coûteux.
Le paradoxe
D'un côté, le web social est un formidable vecteur promotionnel avec la possibilité de joindre de très vastes audiences. Il a le potentiel de faire exploser la mise en valeur des œuvres.
De l'autre côté, à travers cette promotion, on risque de se faire "piquer" des œuvres et de voir les retombées économiques passer aux mains de tierces personnes.
Comment trancher ?
Il est important de prendre connaissance des dispositions de la licence accordée au site sur lequel l’œuvre est mise en ligne.
Ensuite, choisir l'une des 3 options suivantes :
- Consentir à la licence en connaissance de cause
- Ne pas mettre l’œuvre en ligne
- Mettre en ligne après s’être assuré de pouvoir limiter la réutilisation de l’œuvre et la portée de la licence donnée au site
Quoi faire si on refuse la licence ?
Tout d’abord, retirer le contenu de la plateforme. Dans le cas de Facebook par exemple, ceci a pour effet de révoquer la licence fonctionnelle, mais pas celle des tiers qui l’ont reçu implicitement de la plateforme.
Délai indéterminé
On peut attendre jusqu’à 90 jours après la suppression du contenu (et la fin de la licence fonctionnelle) pour que celui-ci soit retiré. Ensuite, tant et aussi longtemps que le contenu est disponible en raison de l’activité des autres utilisatrices et utilisateurs qui l’auraient partagé, la licence de redistribution (aux tiers) demeure.
L’échéance devient ainsi théoriquement exponentielle et le contenu pourrait demeurer accessible pour toujours.
Bref, attention à ce que vous partagez !
Considérez les implications d’une diffusion publique et de la mise à disposition de contenu protégé par la Loi, comme les reproductions, lectures publiques et enregistrements.
On ne peut pas savoir ce que Facebook, Instagram et les tiers peuvent faire, vous n’avez aucun contrôle.
Il y a des cas où des photographes ont retrouvé leurs œuvres utilisées au profit de marques commerciales sans leur consentement et malheureusement, les litiges sont souvent compliqués.