Grand débat sur la culture et les médias : courage d’agir


Grand débat sur la culture et les médias : courage d’agir

Alors que les créateurs voient leurs revenus dégringoler et que les médias sont en crise, c’est avec inquiétude que les acteurs du milieu de la culture et des médias se sont réunis à Montréal le 19 septembre dernier afin de discuter de ces enjeux et, surtout, d’entendre les idées et les propositions des candidats de chacun des partis dans le cadre des élections fédérales de 2019.

D’entrée de jeu, l’auteure et scénariste Michelle Allen a donné le ton à ce grand débat sur la culture et les médias. Dans un discours senti dénonçant « l’utopie du tout gratuit », l’auteure de la populaire télésérie Fugueuse déplorait l’inaction du gouvernement fédéral. Elle a rappelé que la Loi sur le droit d’auteur devait être révisée et devait cesser d’être criblée d’exceptions afin d’être favorable aux artistes. « Rapports et comités s’accumulent. Pendant ce temps se perdure un statu quo mortifère ».

Dès lors, les expressions « urgence d’agir » et « feu dans la grange » ont été employées plusieurs fois par les différents intervenants participant aux panels précédant le débat électoral. Les candidats Chu-Anh Pham (Nouveau Parti démocratique), Monique Pauzé (Bloc québécois) et Pierre Nantel (Parti vert du Canada) ont chacun repris à leur compte ce constat, accusant du même coup les précédents gouvernements libéraux et conservateurs de ne pas avoir agi avec diligence.

Études approfondies ou attentisme ?

Alors que de nombreux pays de l’Union européenne agissent et réforment leurs lois nationales, en particulier leurs lois sur le droit d’auteur, le ministre sortant du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, a dû défendre le bilan du gouvernement libéral en la matière.

Alors que ses adversaires l’accusaient de n’avoir rien fait, le candidat libéral dans Honoré-Mercier a listé les investissements du gouvernement en culture et les nombreuses études ayant eu lieu à la Chambre des communes. « Les autres pays se posent ces questions depuis 10 à 15 ans. Nous nous posons ces questions depuis 4 ans. Ils font un marathon. Nous faisons un sprint ».

Les propos du ministre sortant ont trouvé écho chez Gérard Deltell, candidat conservateur dans Louis-Saint-Laurent. Talonné sur les positions de son parti à propos de la taxation des géants du web, des révisions des lois sur le droit d’auteur et de la radiodiffusion, le député sortant s’est montré évasif, mais constant, alors qu’il a réitéré à plusieurs reprises que son parti attendait de voir les conclusions des études de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Utilisation équitable à des fins d’éducation

C’est l’intervention de la directrice générale de Copibec, Frédérique Couette, qui a permis de mettre à l’ordre du jour du débat électoral la situation de la majorité des établissements d’enseignement canadiens hors Québec qui ne rémunère plus les auteurs et les maisons d’édition pour l’utilisation de leurs œuvres.

L’ajout du terme « éducation » aux fins d’utilisation équitable dans la Loi sur le droit d’auteur a amené les établissements d’enseignement à reproduire massivement et gratuitement des milliers d’œuvres. Bien que cette modification ait été apportée par le gouvernement conservateur en 2012, Gérard Deltell concède que ce fût peut-être une erreur. « Il y a certaines choses qu’on n’a pas pu prévoir. Il faut les mesurer et les corriger. »

Même son de cloche du côté des autres candidats. « Les artistes ne peuvent pas vivre de leur art, a déploré Monique Pauzé. Il faut leur assurer une rémunération équitable ». Concernant une révision plus globale de la Loi sur le droit d’auteur, Pablo Rodriguez a ajouté « On la révise. Si on est élu, on continue ».

Le milieu du livre presque absent de l’évènement

Cette brève discussion sur les exceptions dans la Loi sur le droit d’auteur fut l’une des rares interventions concernant le milieu du livre. Constatant l’absence de représentant du milieu du livre dans le panel de discussion pré-débat, les directeurs généraux de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ) et de l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL) ont tous deux profité de la période de questions pour mettre en lumière certains enjeux du milieu dans le débat.

« Je ne peux que déplorer l’absence des acteurs de la chaîne du livre dans ce panel de discussion portant sur la culture », a déclaré posément Laurent Dubois, directeur général de l’UNEQ. Même remontrance du côté des représentants des arts vivants. Geoffrey Gaguère, du Conseil québécois du théâtre, n’a pas hésité à interrompre le débat afin d’attirer l’attention des candidats sur leur réalité.

L’heure du courage a sonné

Le débat s’est terminé sur le thème du courage. Le courage, notamment, de mettre au pas les géants du web. Le Canada peut-il faire preuve de courage en matière de respect des droits des créateurs ? Le Bloc québécois, le NPD et le Parti vert ont déploré unanimement que le Canada ait cessé d’avoir du courage et d’être le leader qu’il était. Les Libéraux et les Conservateurs, quant à eux, sont catégoriques, le Canada a été et demeure un pays courageux.

Quelle que soit l’issue des élections, le milieu culturel souhaite que le parti au pouvoir agisse rapidement. « On espère que le rapport du comité permanent du Patrimoine canadien sera pris en compte », a fait savoir M. Dubois.

Pour visionner l’ensemble du débat, visitez le site web de la chaîne d’affaires publiques CPAC.