L’Australie est devenue un champ de bataille international où médias et éditeurs de presse mènent depuis plusieurs mois une lutte sans merci contre les géants du web. Au cœur de ce combat : le respect des droits d’auteur des médias et la fin du détournement des revenus publicitaires au profit des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft).
Le 25 février dernier, le gouvernement australien a réussi un tour de force en adoptant une loi obligeant les géants du web à négocier une rémunération équitable pour les éditeurs de presse et autres médias. En plus d’assurer une rémunération aux médias australiens, l’Australie vient d’affaiblir la position dominante des GAFAM partout dans le monde.
Nouvelle loi, nouveau rapport de force
Alors que plusieurs pays jonglent avec des idées de taxes sur le revenu ou de partenariats volontaires pour stimuler l’investissement local des géants américains, l’Australie cherche à changer les règles du jeu. Objectif : assurer une rémunération équitable aux médias en obligeant les GAFAM à négocier d’égal à égal.
Le gouvernement australien a procédé à un véritable rééquilibrage des rapports de force. Les géants du web auront maintenant l’obligation de négocier avec les entreprises médiatiques. Si les négociations n’aboutissent pas, c’est un arbitre qui tranchera.
Les médias locaux ont maintenant des outils pour négocier collectivement une rémunération équitable de l’exploitation de leurs droits voisins et autres droits d’auteur.
De nombreux pays, dont le Canada, sont inspirés par l’approche de l’Australie. Ce qui fait trembler certains propriétaires tout-puissants comme Mark Zuckerberg.
Contre-attaque avortée de Google et Facebook
Les deux géants de la Silicon Valley ont rapidement mis en évidence leur force de frappe. Google a laissé planer la menace de couper l’accès aux nouvelles sur son moteur de recherche. Menace sérieuse considérant que l’entreprise américaine a infligé ce coup aux médias espagnols en 2014.
Facebook a mis ses menaces à exécution. Le 18 février dernier, les publications des médias du monde entier étaient bloquées sur le réseau social en Australie. Cette action n’aura duré qu’un temps. Seul sur le champ de bataille, Facebook est retourné dans ses tranchées le 26 février.
Si Google n’a pas dégainé et que Facebook a rangé les armes, c’est que l’Australie était appuyée par un autre GAFAM.
Microsoft favorable aux droits voisins
L’appui publique favorable au projet de loi australien aurait ébranlé Google selon Brad Smith, président de Microsoft. « Dans les 24 heures [de la prise de position de Microsoft], Google était au téléphone avec le Premier ministre, disant qu'ils ne voulaient pas vraiment quitter le pays après tout », explique Smith sur le blogue de Microsoft.
Répercussions au Canada
Comme plusieurs autres pays, le Canada souhaite s’inspirer de l’Australie. Le ministre du Patrimoine canadien Steven Guilbeault a qualifié le comportement de Facebook « d’irresponsable ». Selon ce que rapporte l’Agence QMI, le gouvernement canadien souhaite appuyer rapidement l’Australie en déposant son propre projet de loi.
620 millions de dollars
C’est le montant que rapporterait aux médias canadiens un loi comme celle de l’Australie selon le rapport Niveler les règles du jeu en matière de numérique, de l’organisme Média d’Info Canada, qui représente plus de 800 éditeurs de presse au pays.
Une première bataille
À quoi s’attendre pour la suite ? La loi australienne sera mise à l’épreuve. Les GAFAM et les médias australiens devront maintenant négocier. D’autres coups durs venant de Google et de Facebook sont à prévoir. Ceux-ci tiennent coûte que coûte à conserver leurs revenus issus de leurs recettes publicitaires et craignent l’arrivée de gouvernements alliés.
Est-ce que le gouvernement canadien tiendra parole et rejoindra le combat au côté de l’Australie ? Ou restera-t-il spectateur avant de déposer son propre projet de loi ?