NFT : Une technologie transformatrice pour le droit d’auteur ?


NFT : Une technologie transformatrice pour le droit d’auteur ?

Sujet de l’heure dans le milieu des arts numériques et de celui des férus de chaînes de blocs (blockchain) : l’arrivée des jetons non fongibles ou non-fungible token (NFT). Cette technologie permet de vendre des œuvres numériques tout en assurant un contrôle de la propriété intellectuelle. Qu’est-ce qui explique cette frénésie ? Les millions de dollars accumulés par certains artistes qui ont saisi cette opportunité.

En février, le célèbre mème Nyan Cat, autographié par son créateur, était vendu pour près de 600 000 $. Dans les semaines qui ont suivi, de nombreux artistes se sont lancés dans cette tendance dont le groupe Kings of Leon et l’artiste numérique Beeble, qui a vendu une courte vidéo de 10 secondes pour 6 millions de dollars.

Un NFT, c’est quoi ?

Un non-fungible token, ou jeton non fongible en français, est un certificat d’authenticité numérique associé à un document numérique. Inséré dans la blockchain, le NFT peut être échangé entre acheteurs tout en assurant une traçabilité et une redevance à la personne propriétaire du document. Dans le cas d’une œuvre numérique, la personne propriétaire serait la titulaire des droits d’auteur.

Ces documents numériques peuvent être des livres, des arts visuels numériques, des partitions, un texte de théâtre, une chanson ou un film.

Résultat : les artistes peuvent recevoir une redevance chaque fois que leurs œuvres sont vendues sur la chaîne de blocs. Combien ? C’est à eux de décider. Chaque NFT est associé à un contrat intelligent permettant aux artistes de déterminer les conditions d’utilisation des droits de vente et des droits d’auteur, notamment les droits de reproduction.

Les NFT, une opportunité financière pour les artistes ?

Si vous pensez faire des milliers de dollars seulement en créant un fichier JPEG de votre dernière toile, il faudra prendre votre mal en patience. Si certains ou certaines ont fait une fortune, c’est surtout en raison de la spéculation liée aux cryptomonnaies utilisées sur ces blockchains et de l’intérêt soudain et frénétique pour les NFT.

Cette nouvelle technologie recèle néanmoins des éléments intéressants pour différents groupes d’artistes. Qui dit traçabilité dit plus grand respect des droits d’auteur et plus de redevances. Les œuvres pouvant être facilement partagées en format numérique comme la musique, les films et les images pourraient être mieux protégées et apporter plus de redevances aux titulaires de droits.

Dans le cas des artistes en arts visuels numériques, les NFT pourraient même répondre à une revendication de longue date du milieu artistique.

Droit de suite et NFT

Les artistes en arts visuels réclament depuis longtemps une révision de la Loi sur le droit d’auteur afin d’instaurer un droit de suite. L’instauration de ce droit a même été recommandée par le comité permanent du Patrimoine canadien de la Chambre des communes.

Ce type de droit d’auteur, inexistant dans la Loi canadienne, assurerait aux artistes une part de redevances sur la revente de leurs œuvres, notamment dans le cadre d’enchères.

L’application de ce droit de suite pourrait être facilité par les NFT et autres technologies s’appuyant sur la chaîne de blocs. En associant un NFT, l’artiste saura à qui est vendu son œuvre et à quel montant, et pourra programmer et automatiser un pourcentage de redevances sur ces ventes.

À défaut d’avoir une Loi sur le droit d’auteur efficace pour respecter leurs droits d’auteur, les artistes en arts numériques auraient la possibilité d’imposer eux-mêmes ce droit d’auteur. Mince consolation se limitant seulement à un sous-marché.

Risques sur le droit moral

Si cette technologie offre la possibilité de tracer une œuvre et de maintenir un lien direct avec les artistes, les NFT et les blockchains sont imparfaits pour respecter le droit d’attribution, un droit moral de première importance pour les créatrices et les créateurs.

Puisque les chaînes de blocs se veulent décentralisées et libres de contrôle par une personne tierce, il n’existe aucune autorité pour confirmer l’identité des personnes utilisant la chaîne de blocs. Une personne peut donc aisément s’approprier un document numérique en y associant un NFT à son nom.

En mars, le groupe Global Art Museum associait des NFT à des numérisations d’œuvres appartenant à différents musées sans leur autorisation. Si Global Art Museum n’avait aucune mauvaise intention en lançant ce projet, plusieurs ont considéré cette manœuvre comme un moyen de s’approprier illégalement les œuvres.

NFT et blockchain : un feu de paille pour les artistes ?

Ces nouvelles technologies sont pleines de promesse. Le milieu de la propriété intellectuelle suit de très près les développements et s’implique même dans la réflexion. Un dossier à suivre au cours des prochaines années.