Entrevue avec Renaud Roussel, éditeur


Entrevue avec Renaud Roussel, éditeur


Le 19 juin dernier, Renaud Roussel a rejoint le conseil d’administration de Copibec. Entrevue avec celui qui se démarque depuis plusieurs années dans le domaine de l’édition (Éditions du Boréal) et par son engagement avec l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL).

Comment votre expérience en tant qu’éditeur a-t-elle contribué à votre engagement dans la protection des droits d’auteur ?

Je tiens tout d’abord à dire que je me réjouis de me joindre au conseil d’administration de Copibec et de participer à la gouvernance de cette organisation qui est un modèle dans la gestion des droits de reproduction.

C’est à titre d’utilisateur que j’ai eu mon premier contact avec Copibec, par l’intermédiaire de Savia, alors que je m’occupais des contrats et des droits au sein des Éditions du Boréal, en plus de mes fonctions d’éditeur. Je n’ai d’ailleurs que de bons mots pour Savia, une plateforme claire, efficace et facile d’utilisation. Nous ne nous rendons pas toujours compte de la chance que nous avons, en tant qu’éditeurs, de pouvoir gérer aussi aisément les droits de reproduction des titres que nous publions.

Devenu codirecteur du Boréal en 2022, dix ans après mon arrivée, je sais toute l’importance que revêtent ces droits pour les créateurs comme pour ceux et celles qui les publient. Avec près de mille auteurs, illustrateurs et traducteurs à notre catalogue, qui compte quelque 2 500 titres actifs, nous avons la responsabilité de leur redistribuer les revenus qui leur sont dus. Compte tenu du travail conséquent que cette redistribution représente, il va sans dire que la répartition qu’effectue Copibec pour les droits de reproduction en milieu scolaire est une aide plus que bienvenue.

Outre mes responsabilités au Boréal, je siège au conseil d’administration de l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL) et je participe activement au comité du droit de l’association, où les questions sur le droit d’auteur et l’intelligence artificielle sont fréquemment au cœur des discussions. Enfin, en tant que traducteur littéraire de formation, j’ai moi-même eu l’occasion de percevoir des redevances pour l’utilisation de mes traductions.

La défense et le respect du droit d’auteur m’importent donc à plus d’un titre. En tant qu’éditeur, car ce droit est le garant de la pérennité des œuvres, de leur disponibilité et de leur diffusion dans la durée; en tant que créateur, car il est le seul rempart contre les utilisations abusives et la seule garantie d’une rémunération pour l’usage qui est fait de ce qu’on a créé.

C’est pourquoi il est indispensable que les gouvernements fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour le protéger. On voit aujourd’hui les dégâts que peut causer la moindre brèche dans le droit d’auteur. Douze ans après la modification de la Loi sur le droit d’auteur, force est de constater que l’exception à des fins pédagogiques n’a rien d’équitable et qu’elle prive aujourd’hui les auteurs et les éditeurs canadiens de revenus importants, ce qui a des conséquences directes sur la création de nouvelles œuvres et le rayonnement des œuvres déjà existantes.

Comment percevez-vous les défis que pose l’intelligence artificielle en matière de protection des droits d’auteur ?

À l’heure où l’intelligence artificielle se déploie à une vitesse exponentielle, le risque qu’une telle brèche s’agrandisse est réel. Le Parti libéral du Canada avait pourtant promis, dans son programme électoral de 2021, de revoir la Loi sur le droit d’auteur pour protéger les créateurs et titulaires de droits contre la reproduction abusive des œuvres, mais cette promesse est restée sans lendemain.

Aujourd’hui, il est crucial qu’aucune exception au droit d’auteur ne soit accordée aux développeurs d’IA pour éviter les contrefaçons et les piratages de grande ampleur et empêcher l’IA générative de se servir d’œuvres protégées pour son propre compte. L’amélioration de l’IA ne doit en aucun cas se faire sur le dos des créateurs et des éditeurs.

Aussi avons-nous besoin rapidement d’une loi claire et équitable qui n’accorde aucune exception – et donc aucun avantage – aux établissements d’enseignement et aux entreprises technologiques. Seul un cadre législatif respectueux du travail des créateurs pourra permettre à la culture et à la technologie d’évoluer en symbiose.

J’espère très sincèrement voir des développements positifs en ce sens au cours de mon mandat à Copibec.