
Un texte de Chloé Varin, autrice jeunesse.
C’est à vous, passeuses et passeurs culturels — véritables courroies de transmission de la passion —, que j’ai pensé dès l’instant où Copibec m’a invitée à collaborer.
On se reconnait, vous et moi, en tant que personnes de cœur élevées à vouloir bien faire. Ou plutôt, à vouloir faire le bien. On souhaite laisser une empreinte positive. Aider les jeunes humains qu’on côtoie à se construire sur des bases solides, à s’ouvrir l’esprit comme on ouvre les fenêtres pour laisser entrer l’air et la lumière.
Le monde en a grandement besoin, aujourd’hui encore plus qu’hier.
Vos élèves, vos enfants, me rencontrent à travers les histoires que je leur raconte. Ils et elles me connaissent aussi à travers les personnages auxquels je donne vie. Chaque livre que vous leur mettez sous les yeux, chaque récit qui se fraie un chemin jusqu’à eux nous rapproche, vous et moi, moi et eux.
Vous le savez tout comme moi, la lecture est un formidable outil pour développer l’empathie. En s’identifiant à des personnages fictifs, les lectrices et lecteurs se projettent dans des réalités tantôt familières, parfois totalement étrangères, qui forgent leur caractère et enrichissent leur imaginaire.
Ça ne fait aucun doute pour nous : enseigner avec la littérature jeunesse est une immense richesse. Mais force est d’admettre que les créatrices et créateurs des œuvres que vous présentez en classe sont loin d’être riches.
Selon une étude menée en 2018 par l’Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ), 90 % des répondants n’atteignaient pas un revenu annuel de 25 000 $¹. C’est donc dire que la forte majorité des livres qui font rire et réfléchir vos élèves — ces histoires qui les font grandir ! —, ont été écrits et illustrés par des artistes vivant sous le seuil de la pauvreté.
Bonne nouvelle, cependant : en 2024, les enseignantes et enseignants ont su faire une réelle différence en nous permettant de toucher plus de redevances. On apprenait en effet que les déclarations d’œuvres reproduites dans les classes du primaire et du secondaire étaient en hausse de 72 % l’année dernière. Ce que ça signifie, concrètement, c’est qu’un plus grand nombre d’autrices et d’auteurs ont perçu des droits de reproduction et que les montants qui nous ont été versés par Copibec ont majoritairement augmenté. Pour vous donner une idée plus précise, de mon côté, le montant reçu en 2024 a carrément doublé par rapport à 2023 !
Je suis toujours curieuse (et parfois surprise) de découvrir lesquelles de mes œuvres sont utilisées en milieu scolaire. Certains livres ne connaissent pas de succès commercial, mais s’avèrent un outil inestimable pour aborder des thématiques précises en classe. C’est le cas de mon roman Jules au pays d’Asha, adaptation littéraire du film portant le même titre. Durant l’année de sa publication, 824 exemplaires du livre ont été vendus. Pas tout à fait ce qu’on pourrait qualifier de best-seller… En revanche, les profs l’ont abondamment utilisé en classe, comme en témoignent les 9 566 copies déclarées !
Si vous, enseignantes et enseignants, n’aviez pas fait l’effort de déclarer la lecture de Jules au pays d’Asha, j’aurais touché 487,95 $ de redevances de ma maison d’édition. La société de gestion Copibec est venue bonifier ce montant de 1 119,65 $ en droits de reproduction. Votre petit geste a donc eu un grand impact sur mes (maigres) revenus. Je vous en remercie !
Mais pour que l’argent se rende jusqu’à nous — vos artistes chouchou ! ;) —, vous devez continuer de prendre un moment dans votre horaire bien chargé pour reconnaitre la valeur de notre travail. Dites-vous que ces quelques minutes passées à entrer ces informations valent amplement les centaines d’heures investies dans la création de ces œuvres qui nous rapportent si peu, monétairement parlant.
Et, si vous avez un·e stagiaire, pourquoi ne pas l’impliquer dans le processus de déclaration ? De cette façon, vous feriez une pierre deux coups : alléger votre tâche tout en initiant les profs de demain à cette pratique solidaire.
Comme une courte échelle pour soutenir la vitalité culturelle, ce geste simple reste à votre portée tout au long de l’année. Surtout, il envoie un message clair aux décideurs : la culture n’est pas un luxe, mais un service essentiel.
Merci d’être de si formidables allié·es !