Les droits voisins — C'est quoi ?


Les droits voisins — C'est quoi ?

Les droits voisins concernent les droits accordés à d’autres personnes que les créatrices et les créateurs d’une œuvre et qui participent tout de même à sa production ou sa diffusion.

Cette notion de droit voisin qui fait son chemin tranquillement dans le droit canadien est plus connue dans le droit civil à l'européenne.

Vous trouverez dans cet article des clarifications sur cette branche du domaine de droit de propriété intellectuelle qui touche surtout les productions musicales et le travail des maisons d’édition.  

 

Droit des auxiliaires

Les droits voisins sont dérivés du droit d’auteur et concernent les collaboratrices et collaborateurs des titulaires de droits que sont les autrices et les auteurs d’œuvres.

Les instances collaboratrices peuvent être les productrices et producteurs pour une chanson ou encore les maisons d’édition pour les livres, magazines et autres publications.  

Le droit voisin vient protéger les « auxiliaires » de la création, garantie par le droit d’auteur. Ce droit existe déjà au profit des producteurs de musique (au titre des investissements consentis), mais aussi des artistes-interprètes ou des entreprises de communication audiovisuelle. À chaque bénéficiaire, correspondent dès lors des droits patrimoniaux spécifiques.
— Next Inpact Promulgation de la loi sur les droits voisins de la presse : mode d'emploi

 

Droits voisins au Canada

En sol canadien, les droits voisins s'inscrivent dans le cadre des droits d'auteur (redevances) sur les prestations des interprètes, d'enregistrements sonores, des signaux de télécommunication, ainsi que les droits moraux sur ces prestations.

 

Pareil pas pareil

Le droit d'auteur vise vraiment les créatrices et créateurs d'œuvres. On parle ici de la première partie de la Loi sur le droit d'auteur.  

Les droits voisins sont les droits qui portent sur les « objets du droit d'auteur ». Il s’agit de la deuxième partie de la Loi et concernent les droits des :

  • •     Artistes-interprètes
  • •     Producteurs d'enregistrement sonore
  • •     Radiodiffuseurs

Les 2 types sont à distinguer, car bien que les droits de l'un n'aient pas pour effet de porter atteinte à ceux de l'autre, ils n'ont pas les mêmes paramètres.  

Par exemple, alors que l'objet du droit d'auteur doit toujours être fixé, l'objet du droit voisin peut ne pas l'être. Comme pour une performance par exemple.

 

Droits voisins de la musique

Pour les œuvres musicales, les titulaires du droit d’auteur sont les compositrices et les compositeurs, celles et ceux qui écrivent les paroles et la musique ; alors que les titulaires des droits voisins sont les productrices, les producteurs et les artistes interprètes.

Ainsi, les recettes découlant de l’exploitation d’une pièce musicale seront divisées entre l’autrice ou l’auteur et ses collaboratrices et collaborateurs, selon certain pourcentage, le plus souvent 50/50.

Au Québec, deux sociétés gèrent les droits [voisins] des producteurs et des artistes interprètes : la SOPROQ (Société de gestion collective des droits des producteurs indépendants de phonogrammes et de vidéogrammes du Québec) pour les producteurs et ARTISTI pour les artistes interprètes.
— Menon B. Les droits voisins : quoi, qui, comment ?

 

Au-delà de la musique

Les droits voisins existent depuis belle lurette dans l'industrie musicale.

En fait, ces droits ne concernent pas seulement la musique, mais tous les arts dits « performatifs ».

Tous les champs des artistes interprètes sont concernés : musique, chant, danse, comédie, théâtre, cinéma, performance en arts visuels, etc.

Pour la production musicale, il s’agit des droits sur les enregistrements sonores.

Pour la radiodiffusion, ça concerne les signaux de communication.

 

Droits voisins de la presse en Europe

Pour la presse européenne, les titulaires du droit d’auteur sont les écrivaines, les écrivains et les journalistes ; et les titulaires des droits voisins sont les maisons d’édition et les agences de presse.

Il s’agit d’un type de droit appliqué au domaine de la presse depuis peu, et qui émerge en vue de moderniser la loi, dans un contexte mondial où l’information est consommée de plus en plus numériquement.

La loi vise à protéger les agences et les éditeurs de presse dont les contenus sont reproduits et diffusés comme libres de droits par les moteurs de recherche. Pour cela, la proposition de loi instaure un droit voisin au profit des agences et éditeurs de presse.
— Vie publique Loi du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse

 

Droits voisins de la presse : inexistants au Canada

Il n'y a pas de droits voisins à proprement parler pour les éditeurs au Canada.

L'éditrice ou l’éditeur n'a pas de droit sur l’œuvre qu'il diffuse, sauf pour les compilations, comme l’édition X d’un journal, ou encore un numéro de magazine.

Les maisons d’édition encadrent leurs ententes avec les auteurs et autrices avec qui elles collaborent grâce à des contrats.  

De cette façon, elles peuvent négocier de prendre en charge certains frais de gestion en échange d’un partage des redevances de droits d’auteur, lorsqu’un extrait d’un ouvrage est utilisé par des tiers, par exemple.

 

Et la mise en page ?  

La cheffe ou le chef de pupitre, la rédactrice ou le rédacteur en chef d'un média détient un droit sur sa production en tant qu’œuvre de compilation.  

Effectivement, les anthologies, les recueils (ou compilations) sont considérés comme des œuvres à part entière, puisqu’elles font appel aux « talent et jugement ». Autrement dit, ces ouvrages demandent une certaine réflexion sur la manière dont ils sont agencés.

Dans un journal par exemple, à moins qu’un contrat spécifie autrement, le contenu de chaque article appartient au pigiste qui l’a rédigé.

Et bien que le droit voisin des éditeurs de presse n'existe pas présentement au Canada, les éditeurs sont eux-mêmes considérés en tant que créateurs et jouissent des droits sur leur production médiatique en tant qu’œuvre protégée par la Loi sur le droit d’auteur.

 

L’Europe et les géants

Nous assistons depuis le printemps 2019 à l’essor de la question des droits voisins, dans le débat entre les éditeurs de médias d’information et les grandes plateformes de diffusion numérique, communément appelés géants du web, tels que Google et Facebook.

Google refuse par principe de payer les éditeurs de presse pour leurs productions. À la place, il fait valoir l’énorme trafic que Google apporte aux sites de presse, ainsi que ses nombreux outils mis gratuitement à disposition des journalistes et son fonds de soutien à l’innovation dans les médias.

Les éditeurs de presse voient dans la position de Google une façon de contourner l’esprit de la loi, et un diktat auquel ils peuvent difficilement se soustraire. Car s’ils refusent d’accepter l’utilisation gratuite de leurs contenus, ils sont certains de voir le trafic vers leurs sites chuter, vu la part très importante que représente Google dans l’origine de leurs visiteurs.
— Le Monde Tout comprendre au droit voisin, au centre du contentieux entre Google et les médias

 

Est-ce que le droit voisin est une notion juridique qui va se concrétiser au Canada ?

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